«Investir dans l’accueil extrafamilial»

Le Conseil fédéral a rejeté à la mi-février un projet concocté par une commission du Conseil national: le principe d’une aide financière durable de la Confédération aux frais de garde des enfants, en estimant que cette tâche revenait aux cantons. Le motif invoqué fait bondir la faîtière syndicale Travail.Suisse.
 
Famille

Le Conseil fédéral donne un signal négatif au parlement juste avant la session de printemps [du 27 février au 17 mars], durant laquelle sera débattu le projet de la Commission science, éducation et culture du Conseil national (CSEC-N) intitulé «Remplacer le financement de départ par une solution adaptée aux réalités actuelles» (21.403). Travail.Suisse a participé à la consultation et soutient les grandes lignes du projet. Pour la faîtière, il est clair que l’accueil extrafamilial institutionnel des enfants relève du service public, au même titre que l’instruction publique, l’entretien du réseau de transports publics ou le financement des infrastructures de soins. Les tarifs payés par les parents en Suisse sont parmi les plus importants d’Europe. Ces charges trop élevées constituent un véritable obstacle à une plus grande implication des mères sur le marché du travail, et donc à une véritable égalité entre les femmes et les hommes.

La question de la répartition des coûts entre Confédération et cantons peut être discutée, mais c’est un bien mauvais calcul que de refuser tout engagement de la part de la Confédération et de se reposer uniquement sur les cantons. Selon Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique de l’égalité à Travail.Suisse: «A l’évidence, le Conseil fédéral est obnubilé par une vision comptable à court terme et ne perçoit pas l’importance d’investir dans l’accueil extrafamilial des enfants en âge préscolaire et scolaire. C’est déplorable et incompréhensible en ces temps de pénurie de main-d’œuvre qualifiée».

Il revient à la politique d’aménager les conditions-cadre permettant de concilier travail et vie de famille. Travail.Suisse demande au parlement de fixer les bonnes priorités, pour le bien des familles, des enfants et de l’économie dans son ensemble.

En savoir plus - un article publié le 23.02.2023 sur www.lecourrier.ch

Le Conseil fédéral rejette par principe la contribution de la Confédération pour réduire les frais de garde des enfants supportés par les parents

Le Conseil fédéral entend améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Toutefois, il rejette par principe l’introduction d’une contribution fédérale pour faire diminuer les frais des parents liés à l’accueil extrafamilial pour enfants. D’une part, l’accueil extrafamilial pour enfants relève de la compétence des cantons ainsi que de la responsabilité des employeurs, et d’autre part, la situation financière tendue de la Confédération ne permet pas un engagement supplémentaire. De plus, cette contribution fédérale conduirait à devoir faire des économies dans d'autres tâches importantes de la Confédération. Si le Parlement entre en matière sur le projet, certaines conditions doivent être remplies selon le Conseil fédéral, en particulier une participation financière plus importante de la part des cantons. Le Conseil fédéral rejette clairement la proposition d’aides financières de la Confédération aux cantons pour le développement de l’accueil extrafamilial pour enfants et de l’encouragement de la petite enfance. La commission compétente du Conseil national avait élaboré un projet de loi qui contenait ces instruments d’encouragement, sur lequel le Conseil fédéral a donné sa position lors de sa séance du 15 février 2023. La nouvelle loi doit remplacer le programme d’impulsion pour l’encouragement de l’accueil extrafamilial pour enfants qui arrivera à échéance fin 2024 après environ 22 ans d’application.

L’initiative parlementaire « Remplacer le financement de départ par une solution adaptée aux réalités actuelles » (21.403) de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N) demande que le programme d’impulsion de la Confédération pour l’encouragement de l’accueil extrafamilial pour enfants soit remplacé par une forme nouvelle et durable de soutien. La CSEC-N a adopté le projet de loi en décembre 2022.

Proposition de la commission pour l’accueil extrafamilial pour enfants et l’encouragement de la petite enfance

Le but du projet est d’encourager la conciliation entre vie familiale et activité professionnelle ou formation et d’améliorer l’égalité des chances pour les enfants en âge préscolaire. Selon le projet de la commission, la Confédération doit participer durablement aux frais que les parents supportent pour l’accueil extrafamilial de leurs enfants dans un cadre institutionnel. Chaque enfant accueilli dans une institution donnera droit à une contribution fédérale, de sa naissance jusqu’à la fin de sa scolarité obligatoire. Pendant les quatre premières années qui suivront l’entrée en vigueur de la loi, la contribution fédérale couvrira 20 % des coûts moyens d’une place d’accueil extrafamilial. Par la suite, le Conseil fédéral fixera le montant de la contribution fédérale en fonction des contributions de chaque canton à l’accueil extrafamilial pour enfants. Selon le projet, les coûts de la Confédération se chiffreraient à environ 710 millions de francs la première année suivant l’entrée en vigueur de la loi. Sur la base de conventions-programmes, la Confédération pourrait en outre allouer aux cantons, également à titre de mesure d’encouragement, des aides financières globales visant le développement de l’accueil extrafamilial ainsi que de leur politique d’encouragement de la petite enfance. La CSEC-N demande un crédit d’engagement d’un montant de 224 millions de francs pour la première période contractuelle de quatre ans.

Pour un système simplifié, réduit et moins coûteux

Le Conseil fédéral estime que l’accueil extrafamilial pour enfants doit être encouragé et que les pouvoirs publics doivent alléger davantage la charge financière des parents. Toutefois, il rejette par principe l’introduction une contribution fédérale pour faire diminuer les frais des parents liés à l’accueil extrafamilial pour enfants. D’une part, l’accueil extrafamilial pour enfants relève de la compétence des cantons ainsi que de la responsabilité des employeurs, et d’autre part, la situation financière tendue de la Confédération ne permet pas un engagement supplémentaire. De plus, cette contribution fédérale conduirait à devoir faire des économies dans d'autres tâches importantes de la Confédération. Si le Parlement entre en matière sur le projet, certaines conditions doivent être remplies selon le Conseil fédéral, en particulier une participation financière plus importante de la part des cantons.

Dans ce cas, le Conseil fédéral serait favorable à une contribution fédérale équivalant à 10 % au maximum au lieu de 20 % des coûts moyens d’une place d’accueil extrafamilial pour enfants. Une contribution de la Confédération à hauteur de 10 % des coûts moyens d’une place d’accueil extrafamilial engendrerait des coûts d’environ 360 millions de francs pour la première année suivant l’entrée en vigueur de la loi. Etant donné que la compétence en matière d’accueil extrafamilial relève en premier lieu des cantons et des communes, le Conseil fédéral estime qu’une importante participation financière des cantons est indiquée. Il propose un contre-financement réalisé au moyen d’une diminution de la part cantonale à l’impôt fédéral direct de 0.7 point de pourcentage. Cette diminution générerait des recettes supplémentaires de la Confédération de près de 200 millions de francs par an, ce qui porterait la charge nette de la Confédération encore à 160 millions de francs pour la première année. Si la charge financière nette de la Confédération augmente pour passer à plus de 200 millions, le contre-financement par les cantons doit être adapté au moyen d’une nouvelle et unique diminution de la part cantonale. De l'avis du Conseil fédéral, cette forme de contre-financement se justifie également par le fait que les cantons qui proposent une offre d’accueil extrafamilial adaptée aux besoins bénéficient d'avantages locaux.

Le Conseil fédéral approuve un pourcentage fixe et une contribution fédérale uniforme dans toute la Suisse pour garantir à tous les parents une égalité de traitement indépendamment de leur canton de résidence. Il émet toutefois des doutes quant à l’efficacité du système d’incitation prévu pour les cantons. De plus, le Conseil fédéral est d'avis que la contribution de la Confédération ne doit être accordée qu'aux parents qui exercent une activité lucrative ou suivent une formation et qui, pour ces raisons, ne peuvent pas garder eux-mêmes leurs enfants. Cette condition d’octroi est conforme à l’objectif du projet de loi qui doit contribuer à améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et à lutter contre le manque de main-d'œuvre qualifiée. Finalement, le Conseil fédéral propose d’octroyer une contribution fédérale seulement jusqu’à la fin du degré primaire (8P Harmos) pour que les parents soient soutenus de manière ciblée dans la phase où ils supportent des frais de garde élevés.

Contre les conventions-programmes

Le Conseil fédéral rappelle que les cantons et les communes sont en premier lieu responsables de l’accueil extrafamilial pour enfants et l’encouragement de la petite enfance. C’est pourquoi il rejette la proposition de conventions-programmes de la CSEC-N selon laquelle la Confédération participerait à la moitié des coûts cantonaux pour le développement de l’accueil extrafamilial pour enfants et de l’encouragement de la petite enfance. Il invite les cantons et les communes à prendre également leurs responsabilités et à mettre à disposition aussi vite que possible une offre de garde appropriée.

Au cours des dernières décennies, la Confédération a soutenu les cantons grâce au programme d’impulsion pour l’encouragement de l’accueil extrafamilial pour enfants et aux contributions pour des programmes cantonaux visant à constituer et à développer la politique de l’enfance et de la jeunesse. Le programme d’impulsion de 2003 se terminera fin 2024.

En savoir plus

Les thématiques LGBTI rattachées au Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes à partir de 2024

Les questions touchant à l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI) seront du ressort du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) à partir de 2024. Deux nouveaux postes seront créés à cet effet. Le Conseil fédéral en a été informé le 25 janvier 2023.

L’égalité de droit des personnes LGBTI en Suisse a progressé avec l’extension de la norme pénale contre le racisme, la simplification de la procédure de changement de sexe à l’état civil et l’introduction du mariage pour les couples de même sexe. Malgré tout, les personnes LGBTI subissent encore des discriminations dans différents domaines. La Suisse s’efforce de lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, conformément à son engagement national et international en faveur des droits humains.

Actuellement, aucune unité de l’administration fédérale n’est spécifiquement responsable des questions LGBTI. Différents services s’en occupent de manière ponctuelle dans le cadre de leurs compétences respectives. Ainsi l’Office fédéral de la justice traite par exemple les questions relatives à la protection contre la discrimination ou au mariage pour les couples de même sexe, tandis que l’Office fédéral de la santé publique aborde les questions relatives à la situation sanitaire ou à la santé sexuelle. Pour donner suite à plusieurs interventions parlementaires, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) d’examiner les options envisageables pour coordonner la gestion du dossier LGBTI au sein de l’administration fédérale. Le DFI est arrivé à la conclusion qu’il fallait le rattacher au BFEG. Se fondant sur la loi sur l’égalité, le BFEG a pour tâche de promouvoir l’égalité des sexes dans tous les domaines et de lutter contre toutes les formes de discrimination directe ou indirecte. À ce titre, il est le mieux placé pour traiter les thématiques LGBTI.

Les missions centrales du BFEG resteront la promotion de l’égalité entre femmes et hommes dans la vie professionnelle et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. De nouvelles tâches lui seront confiées en lien avec les questions LGBTI : traitement de mandats parlementaires spécifiques, coordination des services fédéraux qui continueront de s’occuper de ces thématiques et renforcement des échanges avec les cantons et les communes, qui s’occupent déjà de ces questions, et avec les organisations spécialisées et non gouvernementales concernées. Une tâche importante consistera par ailleurs à élaborer un plan d’action national contre les crimes de haine anti-LGBTI, en réponse au postulat Barille (20.3820). Deux postes seront créés à cet effet au BFEG, qui seront compensés en interne au sein du DFI.

En savoir plus

Renforcer la reconnaissance des proches aidants au niveau fédéral

Toute personne ou presque est amenée, à un moment de sa vie, à s’occuper d’un proche pendant un certain temps. Dans deux cas sur trois, les proches aidants sont en âge d’exercer une activité professionnelle. Et un quart d’entre eux en viennent à réduire leur taux d’occupation pour cette raison. Or, à quelques exceptions près, les proches aidants ne bénéficient d’aucune reconnaissance sociale ou financière. Des mesures simples au niveau fédéral permettraient pourtant de renforcer cette reconnaissance et d’améliorer la situation de toutes les personnes concernées. Le policy brief no 5, rédigé par Valérie Borioli Sandoz, membre de la Commission fédérale pour les questions familiales COFF, présente les défis auxquels la Suisse est confrontée et propose des améliorations.

L’aide apportée, le plus souvent gratuitement, à des personnes avec lesquelles il existe un lien émotionnel fort, qu’elles appartiennent au cercle familial ou amical, peut avoir des conséquences importantes sur la santé, la carrière, les revenus et la prévoyance vieillesse des proches aidants. Les mesures visant à soulager les proches aidants et à reconnaître les prestations de care qu’ils fournissent sont avant tout des offres de décharge (relève pendant les vacances, aide rapide dans les situations de crise, conseils spécialisés et échanges, services de transport, etc.), mais aussi des aides en cas de reprise d’une activité professionnelle, qui tiennent compte des compétences acquises pendant l’engagement auprès d’un proche, et un octroi plus généreux des bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS. En outre, uniformiser la définition et la reconnaissance des proches aidants, par exemple en introduisant une carte d’urgence spécifique comme l’ont fait les cantons de Genève et de Vaud, faciliterait leur collaboration avec les institutions sanitaires et sociales et avec les administrations communales.

En savoir plus

Politique familiale: le réveil suisse, enfin!

Un projet de commission du Conseil national prévoit de consacrer 770 millions par an pour offrir un rabais de 20% aux parents qui placent leurs enfants dans une structure d’accueil extra-familial

On le savait, mais ce ranking-là n’a fait que confirmer le fait que la Suisse n’a qu’une politique familiale très embryonnaire. En juin 2021, la voilà qui se classe piteusement au 38e rang sur 41 pays d’un classement établi par l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance. Le verdict est pour le moins sévère: «Il n’est pas acceptable que la Suisse, l’un des pays les plus riches du monde, n’en fasse pas assez pour l’accueil extra-familial des enfants. Les services proposés doivent avoir un prix abordable pour chaque parent, indépendamment du revenu et du lieu de domicile», tranche Bettina Junker, directrice générale d’Unicef Suisse.

Un peu plus d’un an plus tard, on ne peut qu’applaudir. La Commission pour la science, l’éducation et la culture (CSEC) du Conseil national a élaboré un projet qui, à l’échelle suisse où l’on ne progresse qu’à petits pas, est quasiment révolutionnaire. L’on n’y parle plus de dizaines de millions, mais de centaines de millions pour permettre aux jeunes parents de concilier famille et travail. Dix fois plus, on croit rêver!

Que s’est-il passé? Si les partis de droite (UDC et PLR) restent très sceptiques en arguant que l’accueil extra-familial des enfants doit rester du domaine des cantons, l’économie tire la sonnette d’alarme. Alors qu’il y a déjà aujourd’hui près de 130 000 postes vacants, la situation va continuer à se dégrader sur le marché du travail. Plusieurs études indiquent qu’après le départ à la retraite des baby boomers, la Suisse devra repourvoir 500 000 postes à l’horizon 2030 et même plus de 1 million en 2050. Pour relever ce défi, il est aussi illusoire qu’irréaliste politiquement de croire qu’on pourra simplement actionner le levier de l’immigration. Le principal potentiel à exploiter est celui de l’extension du temps de travail des femmes, tout en étant conscient qu’il faudra aussi accepter une légère réduction de celui des hommes pour partager les tâches domestiques.

Autre étude récente, celle menée à l’Université de Neuchâtel par le professeur émérite Claude Jeanrenaud et l’économiste Julia Macuglia. Elle a montré que la création de places d’accueil extra-familial permettait d’atteindre un double objectif social et économique: l’accès facilité des mères à la vie professionnelle et la stimulation de la croissance.

Il ne fait aucun doute que le projet de la CSEC sera édulcoré par les Chambres. Mais même s’il ne reste que la moitié de ces 770 millions de francs cités actuellement, ce sera déjà un immense progrès dans la politique familiale en Suisse. Ce sera indiscutablement le plus grand succès de la vague violette, qui a porté 42% de femmes au Conseil national en 2019 et de la Session des femmes d’octobre 2021, dont c’était l’une des principales revendications.

En savoir plus