Peut-on gérer ou fréquenter un hôtel réservé aux adultes tout en aimant les enfants?
Séverine Bestenheider-Reynaud (POUR): J’adore les enfants! J’en ai moi-même trois. Il s’agit simplement d’un positionnement vis-à-vis de la clientèle. D’ailleurs, dans de nombreux hôtels qui les acceptent, on voit des endroits, comme les piscines par exemple, où ils ne sont pas admis. C’est aussi une manière de permettre aux plus jeunes d’aller dans des établissements où ils sont les bienvenus et de les autoriser à vivre sans trop de restrictions.
L’évolution de l’éducation parentale rend-elle nécessaire l’existence des établissements réservés aux adultes?
Je ne vais pas critiquer les parents d’aujourd’hui. Ils ont bien sûr des façons de voir qui divergent de celles d’avant. Je gère également l’Hostellerie du Pas de l’Ours depuis 30 ans, j’ai donc pu constater une évolution dans l’éducation, notamment avec l’apparition des écrans. À l’époque, les enfants venaient à table, ils dégustaient le repas, prenaient du plaisir et il y avait un réseau familial qui se créait. C’était agréable, même s’il y a toujours eu des exceptions, bien sûr. Aujourd’hui, c’est différent. Les écrans coupent les conversations, ainsi que l’implication dans la gastronomie ou dans le séjour. Est-ce positif ou négatif? Chacun est libre de se faire son opinion. À l’Aïda, les enfants sont admis à partir de 16 ans, un âge où ils sont un peu plus sereins et en mesure de respecter la clientèle qui se détend.
Avez-vous reçu des critiques, comme d’autres établissements réservés aux adultes?
Non, pas du tout. Du moins, rien en direct. La clientèle qui critique le concept d’ «Adult Only» n’a pas de vision large. On peut comprendre que des personnes qui viennent dans un endroit pour passer un moment privilégié soient dérangées par des familles bruyantes. C’est pour cette raison qu’il était important pour nous de proposer aussi un endroit réservé aux enfants, à l’Hôtel de l’Étrier. De cette manière, nous proposons trois établissements avec des critères différents, susceptibles de contenter tout le monde.
Trouvez-vous le concept «Adult Only» choquant?
Philippe Gnaegi (CONTRE): Je suis nuancé. Je peux comprendre l’idée, mais je ne la partage pas. De mon point de vue, il faut ouvrir les hôtels et les lieux publics aux familles de manière générale. Que ce soit avec des enfants ou des personnes âgées. À l’avenir, le problème pourrait aussi se poser pour les seniors que l’on voudrait exclure. Bien entendu, il faut que cette ouverture soit assortie de règles claires et plutôt strictes pour tout le monde, de respect et de tranquillité, afin que chacun puisse cohabiter dans un esprit de partage. On vit dans une société où il faut que les générations se mélangent. Sinon, c’est la porte ouverte à d’autres discriminations, où on exclut les personnes de telle ou telle religion, par exemple.
Pensez-vous que l’éducation bienveillante, très à la mode depuis quelques années, soit à l’origine du besoin de s’isoler des enfants?
On vit dans une société vieillissante et on a tendance à moins accepter les enfants, alors que Pro Familia souhaite justement le soutien aux familles. Sans enfants, la société se meure. Il y a certainement des cas où les plus jeunes peuvent déranger lorsque les règles des parents ne sont pas claires, mais nous avons tous eu leur âge. De même que nous avons tous grandi dans un monde où il fallait respecter certaines obligations. Nous y avions cependant notre place. Il faut partir de cet exemple. Nous avons réussi à nous développer de cette manière, c’est donc possible.
Avez-vous reçu des plaintes de la part de vos membres à ce sujet?
Pas pour le moment, parce que nous n’en avons pas parlé formellement. Mais j’imagine que nos membres sont tous favorables à une culture d’inclusion des familles. Elle est fondamentale. D’une part, parce que nous faisons de moins en moins d’enfants et, d’autre part, parce que les personnes âgées vivent de plus en plus longtemps. La politique intergénérationnelle est une politique dont il faut se saisir très sérieusement et de manière urgente.
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